Victoire à quel prix?
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Après une victoire minoritaire au parlement, les libéraux obtiennent quatre années supplémentaires au gouvernement. Alors que la victoire serrée contre les conservateurs est célébrée partout au pays, une ombre plane sur l’avenir de la gauche canadienne. Il faut se demander: en faisant des compromis avec le centre pour vaincre la droite, avons-nous pour autant détruit la gauche?
Il ne fait aucun doute qu’une victoire des conservateurs aurait été un désastre pour la classe ouvrière canadienne. Avec la montée du sentiment d’extrême droite à travers le monde, un gouvernement dirigé par un militant culturel pompeux déterminé à se plier aux fascistes et réactionnaires ne ferait sans aucun doute qu'accélérer l’effondrement de nos institutions démocratiques. Mais ces institutions sont-elles vraiment sûres sous le régime libéral de Carney? J’ai écrit au sujet des lacunes du gouvernement Trudeau dans un article précédent, notamment la vulnérabilité de notre ancien premier ministre face à la flatterie et à la subornation, ce qui l’a conduit à un certain nombre de scandales de corruption. Compte tenu de l’expérience de Carney en tant que gouverneur de la Banque du Canada pendant la crise financière de 2008 et de la Banque d’Angleterre à l’ère du Brexit et de la COVID-19, il ne fait aucun doute que son âge et son expérience constitueront un changement bienvenu par rapport au caractère plus sophomorique de son prédécesseur. Il reste à voir si cette expérience sera mise en pratique ou non pour assurer le bien-être des Canadiens ordinaires ou pour remplir davantage les poches des riches entreprises. Malheureusement, le bilan des politiciens ostensiblement progressistes dresse un tableau plutôt sombre.
Une autre conséquence de cet élection fut la défaite totale de la gauche et sa capitulation face au centre. La performance désastreuse du NPD marque une fosse historique pour le mouvement syndical canadien et la démission de Singh obligera le parti à se remettre en question s’il veut survivre sans son statut officiel au Parlement. Soit ils deviennent véritablement le parti de la gauche canadienne en embrassant plus ouvertement le socialisme, ou soit ils se condamnent à l’obscurité ou à la dissolution en poursuivant la voie d’une social-démocratie édentée ou d’un libéralisme de gauche. Par conséquent, les gauchistes canadiens doivent considérer leur allégeance au NPD et leurs pratiques réformistes et peser leurs mérites par rapport aux voix démocratiques socialistes et révolutionnaires plus radicales qui bouillonnent lentement dans la conscience politique de masse.
Quoi que l’avenir nous réserve, une chose reste claire et c’est que nous avons tous du pain sur la planche si nous espérons empêcher l’effondrement imminent de la démocratie. Que le gouvernement Carney crée un îlot de paix dans un monde qui se consume par le chaos ou qu’il cède complètement au pouvoir du capital, les prochaines années vont être difficiles pour nous tous.
—M.